CRIME DE FAUSSE MONNAIE EN 1667

Dans son volume La scandaleuse Nouvelle-France (Éditions internationales Alain Stanké, 2002, p. 62), Guy Giguère relate brièvement le jugement en appel prononcé devant le Conseil Souverain de la Nouvelle-France en faveur de Pierre DE GENCENAY concernant le crime de fausse monnaie dont est coupable Paul BEAUGENDRE.

Pour connaître l'origine de ce crime, il faut consulter le premier volume de la Prévôté de Québec. Ainsi, au printemps-été 1667, c'est devant ce tribunal qu'un procès criminel est intenté contre :

- Jacques DE LAUNAY dit LACROIX, soldat de la compagnie de VERNON, accusé d'avoir dérobé un mouchoir dans lequel s'y trouvaient trois fausses pièces d'étain de 30 sols;
- Paul BEAUGENDRE dit DESROCHERS et son complice, Pierre DE GENCENAY, soldats de la compagnie de SAUREL, accusés d'avoir « composé matière et moules » pour fabriquer de la fausse monnaie.

Après plusieurs interrogatoires, dépositions, conclusions, réquisitoires, confrontations, etc., portés à la connaissance du juge de la Prévôté, voici ce qui s'est passé. Avec la complicité de Jacques GASIER, menuisier prisonnier, Paul BEAUGENDRE s'est évadé des prisons du fort Saint-Louis en se servant d'une échelle et scié une planche pour monter à la chambre de GASIER. Il y aurait prit ses tenailles (pinces) pour ouvrir le magasin du sieur SAINT-ANTOINE et voler 3 livres de poudre, 10 livres de plomb et un boisseau de pois et de fèves. Par la suite, évadé, Paul BEAUGENDRE a forcé « nuitamment » les porte et coffre de Mathieu HUBOUT DESLONGCHAMPS où il aurait volé sept cuillères et une fourchette d'argent, une bague d'or, 100 francs en or et la somme de 200 livres tournois. Ce vol a-t-il pour objectif de fabriquer de la fausse monnaie ? Quoiqu'il en soit, c'est plutôt avec un poêlon d'étain fondu qu'ont été fabriquées les pièces retrouvées dans le mouchoir que s'est fait voler BEAUGENDRE. Selon DE GENCENAY, et si ça vous intéresse, voici la recette pour faire de la fausse monnaie : de l'étain coulé mis dans du lard fondu et du jus d'herbes !

Pour réparation publique de ce « crime de fausse monnaie », c'est au greffier de la Prévôté, le notaire Gilles RAGEOT, que l'on confie la lecture et signification de la sentence rendue par le juge de la Prévôté, Louis-Théandre CHARTIER, auprès de Paul BEAUGENDRE dit DESROCHERS, prisonnier dans les prisons du fort Saint-Louis, et Pierre DE GENCENAY, prisonnier au grand Corps de garde. Aussitôt, les deux complices portent ladite sentence en appel devant le Conseil Souverain. Il ne faut pas s'y étonner, puisque cette sentence « épicée » de la Prévôté de Québec condamne :

- Paul BEAUGENDRE a être pendu et étranglé à la potence ordinaire de Québec, par l'exécuteur de la haute justice, et que son corps y demeure pendant 24 heures pour y servir d'exemple;
- Pierre DE GENCENAY a servir le Roi par force sur ses galères en France pendant 10 ans;
- Jacques DE LAUNAY d'assister à l'exécution de BEAUGENDRE.

Plus chanceux, en appel de cette sentence devant le Conseil Souverain, comme l'explique GIGUÈRE, Pierre DE GENCENAY « négocie » les galères royales pour « servir durant trois ans dans la mission que les pères de la compagnie de Jésus sont prêts à aller établir dans les nations sauvages iroquoises ».

Rédaction : Guy Perron, paléographe

Source : Prévôté de Québec, transcription des volumes 1 et 2 (registres civils), 2 novembre 1666 au 26 octobre 1668, Longueuil, Les Éditions historiques et généalogiques Pepin, tome I, coll. Notre patrimoine national no. 220, 2002.