UN ENFANT ILLÉGITIME POUR MÉDARD CHOUART DES GROSEILLIERS

Le 17 août 1677, le juge de la Prévôté de Québec étudie la requête d'Étienne BOUVIER (lire BOYER) et de Marie-Thérèse VIEL, son épouse, à l'effet que Médard CHOUART, sieur DESGROSEILLERS, soit condamné de prendre et de se charger de l'enfant qu'il a fait à VIEL, de le nourrir, l'élever et l'entretenir, de payer 150 livres pour les « frais de ses couches », 500 livres pour intérêts civils ainsi que la pension que BOYER a payé pour sa femme du jour de son arrivée [de France] jusqu'à son accouchement. La requête précise que BOYER a repris sa femme « sur les prières » qui lui ont été faites ! À ce moment-là, le couple BOYER-VIEL a trois enfants.

Présent à l'audience et ayant eu copie de la requête, CHOUART déclare que l'exposé n'est pas vrai. Un échange verbal et une comparaison de faits s'ensuivent entre VIEL et CHOUART !

Marie-Thérèse VIEL demande à CHOUART de prêter serment s'il a eu affaire avec elle et il lui dit « Je pourrais faire serment ». Puis, VIEL se dit prête de faire serment que CHOUART lui a fait l'enfant et qu'il l'a vu plusieurs fois ! À cette réplique, CHOUART ajoute « Supposé que j'ai eu affaire avec elle, ce n'est pas à dire que j'ai fait l'enfant » et se tournant vers VIEL, CHOUART lui dit « Est-ce que vous voulez m'obliger à jurer que je vous ai fait un enfant ? ». VIEL insiste en déclarant n'avoir eu affaire à aucune autre personne que CHOUART dans le temps, et qu'elle est prête d'en faire serment « sur sa part de paradis » !

VIEL revient à la charge et affirme que CHOUART a avoué à Monsieur l'Intendant qu'il a eu affaire avec elle deux ou trois fois, et qu'il y en avait eu d'autres que lui qui avaient eu affaire à elle, c'est pourquoi il ne doit pas dénier ! CHOUART répond qu'il est vrai que l'Intendant lui a dit que VIEL s'était plainte à lui à l'effet qu'il lui avait fait un enfant !

Poursuivant l'interrogatoire, le juge CHARTIER demande à CHOUART s'il a vu VIEL à La Rochelle. Il lui répond qu'il l'a vu de loin dans la rue ! Intervenant de nouveau, VIEL dit que CHOUART l'a vu un matin chez Madame CLÉMENT, mais CHOUART ne semble pas connaître cette dame CLÉMENT ! Après lui avoir dit qu'il s'agissait de l'hôte de l'enseigne Sainte-Marguerite, rue du Minage [à La Rochelle], CHOUART avoue qu'il y demeurait !

VIEL confronte CHOUART qui affirme qu'il y a deux portes pour entrer au logis de la dame CLÉMENT et que c'est par la plus petite qu'il y entra ! Le juge demande si CHOUART logeait sur le devant ou le derrière, et ce dernier dit qu'il logeait avec le sieur RADISSON [son beau-frère] et sa femme et que son lit était derrière et le long de la porte.

À la demande du juge, CHOUART affirme que les fenêtres de la chambre étaient ouvertes lorsqu'il y entra, mais VIEL prétend le contraire ! Désespéré, CHOUART rajoute qu'il a eu affaire en aucune façon avec VIEL et qu'il n'a pas fait l'enfant ! Poursuivant le récit des faits, VIEL ajoute que CHOUART l'a vu chez un maître couvreur vis-à-vis l'église Saint-Nicolas, mais CHOUART répond ne pas savoir où est la paroisse Saint-Nicolas !!!

Le juge demande ensuite à CHOUART si l'armurier où logeait VIEL a travaillé avec lui et il lui répond « Il faut bien qu'il ait travaillé pour moi puisqu'il a été trois ans à mon service », mais il ne connaît toujours pas le quartier où demeurait l'armurier et si VIEL y logeait ! Cette dernière rétorque « Vous disiez présentement que l'armurier m'avait chassé de chez lui, il faut donc bien que vous sussiez que j'y logeait ? ». 

Le juge demande que la requête BOYER-VIEL soit communiquée au procureur du roi et défend à CHOUART de s'absenter de la ville de Québec jusqu'à jugement définitif !

Trois jours plus tard, les parties reviennent devant le juge de la Prévôté. Après avoir examiné les conclusions du procureur du roi et constatant que BOYER a reçu VIEL, son épouse, avec l'enfant dont elle était chargée, le juge CHARTIER condamne Médard CHOUART à payer à Étienne BOYER la somme de 200 livres pour la nourriture et l'entretien de l'enfant, dont 100 livres présentement « en bons effets » et les autres 100 livres dans l'année.

[L'enfant issu de CHOUART et de VIEL serait Jeanne-Élisabeth BOYER, née et baptisée le 14 janvier 1677 à Québec]. Le couple BOYER-VIEL eut 14 enfants !

Rédaction : Guy Perron, paléographe

Source : Prévôté de Québec, transcription des volumes 9 et 10 (registres civils), 14 janvier 1676 au 14 décembre 1677, Longueuil, Les Éditions historiques et généalogiques Pepin, tome V, coll. Notre patrimoine national no. 315, 2004.