L'ÉLECTION DU SYNDIC DE QUÉBEC EN 1667 |
Sous les
Cent-Associés, des syndics élus par les habitants veillent aux intérêts de
la Communauté des Habitants, détentrice du monopole de l'exportation de la
fourrure et de l'importation de marchandises, ainsi qu'aux intérêts du public
en général. Il y a donc des syndics à Québec, à Trois-Rivières et à Montréal.
En 1661, le gouverneur supprime les syndics. En 1663, le Conseil souverain
ordonne une assemblée des habitants de Québec pour élire un maire et deux échevins.
Constatant que les élus ne s'occupent pas de leurs charges, le Conseil juge
plus à propos que l'on se contente de syndics. Le syndic, ou représentant des
habitants, est un interlocuteur populaire qui apporte au Conseil les doléances
des habitants. L'élection du syndic de Québec prend beaucoup de temps. Le 19
septembre 1664, le gouverneur finit par imposer l'homme de son choix, malgré
l'opposition : Jean LEMIRE, maître charpentier de 39 ans.
En vertu de l'arrêt du 23 janvier et des ordonnances en février et mars, le
Conseil souverain ordonne une assemblée des habitants de Québec et de la
banlieue pour élire et nommer un syndic. C'est dans le premier volume des
sentences de la Prévôté de Québec que paraît le « procès-verbal de
l'élection d'un syndic » du dimanche 20 mars 1667, après la grande messe célébrée
en l'église Notre-Dame de Québec.
Comparaissent, dans un premier temps, les habitants de Québec : Thierry DE
LETTRE, Noël MORIN, René MÉZÉRÉ dit NOCE, Jean CHÉNIER, Charles DANETS,
Jean LEVASSEUR, Pierre BIRON, Richard GROUARD dit LAROSE, Jean SOULARD et
Philippe NEVEU. En présence du procureur fiscal, ils nomment Jean LEMIRE pour
syndic. LEMIRE, quant à lui, choisit Jacques LOYER DE LA TOUR, et Robert
MOSSION opte pour le chirurgien Jean MADRY. Ensuite, on présente le résultat
de la nomination faite par les habitants de l'île d'Orléans. Il appert que
Claude GUYON, Nicolas LEBLOND, Jacques BILODEAU, Jean et Charles ALLAIRE, David
ASSELINE, François GAULIN, Mathurin THIBAUDEAU, Jean DOUIN, Jacques DELAUNAY,
Jacques PERROT, Robert GAGNON et Élie GAUTHIER ont nommé Jean LEMIRE pour
syndic. Charles GAUTHIER et Jean PRIMONT ont nommé Jean MADRY, Jacques ASSELINE
choisit RUETTE D'AUTEUIL, Hippolyte THIBIERGE, David LÉTOURNEAU, Jacques RATTÉ,
Pierre GAULIN, Jean MOURIER, Vincent CHRÉTIEN et Pierre LOIGNON ont nommé
Jacques LOYER DE LA TOUR. Jean LEHOUX choisit Bertrand CHENAY DE LA GARENNE,
tandis que Guillaume LANDRY opte pour Jean JUCHEREAU DE LA FERTÉ.
Enfin, on présente le procès-verbal de l'assemblée des habitants de la
seigneurie de Beaupré, en date du 3 mars, par lequel il appert que Marin
BOUCHER, Mathurin GAGNON, Zacharie CLOUTIER, le nommé DORVAL, Simon GUYON,
Guillaume BOUCHER, Claude AUBERT, Barthélemy VERREAU, René BRISSON, Jacques VÉZINA,
Louis BOUCHER, Nicolas LE ROY, François VÉZINA, François BÉLANGER, Louis
GARNIER, François PERRON [Daniel PERRON dit SUIRE] et Jean GUYON ont tous nommé
la personne de Jean LEMIRE pour syndic.
À la pluralité des voix, le procureur fiscal confirme que Jean LEMIRE «
demeure pourvu de ladite charge de syndic » des habitants de Québec et sa
juridiction. À la demande des habitants de la seigneurie de Beaupré, on procèdera
à l'élection et nomination d'un adjoint au syndic dans tous les lieux de
ladite juridiction. Pour souligner l'événement, les huissiers LEVASSEUR et
BIRON avertissent Jacques BOISSEL, bedeau de la paroisse, de sonner la
cloche. Mais
BOISSEL refuse car ça ne lui a pas été demandé par le curé Henri DE BERNIÈRES.
Selon lui, il n'est pas de la bienséance, qu'en France on se servait de la
cloche de l'hôtel de ville et qu'en Nouvelle-France il fallait se servir de
celle du fort ! BOISSEL est condamné à 60 livres d'amende et on défend au curé
DE BERNIÈRES et autres d'empêcher à l'avenir l'usage du son de la cloche
quand il sera question de nécessité publique.
Après son élection, on demande à LEMIRE de prêter serment, mais il refuse,
disant qu'il a exercé la charge de syndic pendant un an à ses fais malgré la
promesse d'un salaire, et qu'il a perdu plusieurs travaux rémunérateurs. Il a
même été obligé d'employer une tierce personne, car des marchands lui ont
refusé des marchandises et il y en a même un qui a demandé à des habitants
de jeter LEMIRE à l'eau !
Le 26 mars, Jean LEMIRE prête serment de fidélité au bien public... ainsi, il
pourra faire subsister sa famille !
Rédaction : Guy
Perron, paléographe
Source : Prévôté de Québec, transcription des volumes 1 et 2 (registres
civils), 2 novembre 1666 au 26 octobre 1668, Longueuil, Les Éditions
historiques et généalogiques Pepin, tome I, coll. Notre patrimoine national
no. 220, 2002, p. 48-50.