FRANÇOIS DE CHAVIGNY ET LA SERVANTE DE PIERRE NOLAN

En 1673, François DE CHAVIGNY fils, sieur DE LA CHEVROTIÈRE, 23 ans, est à Montréal où il fait la rencontre de Marguerite GOSSELIN (ou Josselin), 15 ans, servante de Pierre NOLAN de Québec. La jeune femme accompagne sa maîtresse, Catherine HOUARD (épouse de Pierre NOLAN) qui est à Montréal avec la demoiselle DE LA TESSERIE pour y vendre du vin.

Deux années passent, et en avril 1675, CHAVIGNY fils est sommé de se présenter devant le juge de la Prévôté de Québec. À la requête de Marguerite GOSSELIN, il est condamné à l'épouser et à élever et nourrir l'enfant qu'ils ont eu ensemble. Étonné d'une telle demande (après 2 ans !), CHAVIGNY requiert une semaine de délai pour y répondre.

Le délai expiré, François DE CHAVIGNY qualifie d'imposture la requête de Marguerite GOSSELIN, qui est contradictoire à ce qui s'est réellement passé, et est en désaccord du fait prétexté, et contre son honneur, qu'il était « ordinaire » pour lui de connaître « d'honteux commerces [...] avec toutes sortes de personnes » ! Il conclut, qu'en jetant les yeux sur lui, elle s'est figuré qu'avec de l'effronterie, elle pourrait soutenir de tels propos avec une si grande assurance à son endroit.

De l'aveu de CHAVIGNY, c'est la bonne femme GADOUAS, de Montréal, qui a avertit la demoiselle DE LA TESSERIE et la femme de Pierre NOLAN (Catherine HOUARD), de prendre garde à leur servante qui « avait de trop grande privauté et liberté » avec le nommé SAINT-GERMAIN. Sachant cela, la femme de NOLAN traita sa servante avec toutes les « indignités imaginables », la frappant et la traitant de putain. La grossesse de la jeune servante, quelque temps plus tard, aurait causé la fuite de SAINT-GERMAIN !

Mais, en cours de procès,  la jeune GOSSELIN affirme que si « la Gadouarde » (lire : la bonne femme GADOUAS) a rapporté de tels propos envers elle, c'est qu'elle (GOSSELIN) n'a pas voulu lui donner du vin comme elle le demandait et ce, à l'insu de sa maîtresse (HOUARD)  ! Aussi, elle ajoute n'avoir eu aucune conversation ni amitié envers SAINT-GERMAIN.

Comme elle avait adhéré aux sentiments de CHAVIGNY, le juge de la Prévôté demande à GOSSELIN pourquoi elle n'est pas aller le voir pour avoir la conviction contre lui en cas de besoin ! Elle fit réponse qu'elle ne l'a pas fait et au bout d'un moment, elle en a été bien fâchée parce qu'elle l'aurait fait prendre sur le fait.

Elle a même avertit sa maîtresse (HOUARD) que CHAVIGNY était venu la « solliciter » pour « faire ce qu'ils avaient constance de faire », malgré sa grossesse. À cela, CHAVIGNY de répondre, sur sa foi, qu'il ne savait rien de cette grossesse !

En fin de compte, « tout vu et suffisamment examiné », le juge de la Prévôté de Québec ordonne, en mai 1675, ce qui suit :
- que Marguerite GOSSELIN soit déboutée de sa demande contre CHAVIGNY, tant pour le mariage que pour la charge et l'entretien de l'enfant;
- que François DE CHAVIGNY paie 200 livres pour aider à la subsistance et à l'entretien de l'enfant; et qu'il soit condamné aux dépens du procès; et, s'il le juge à propos,
- que le procureur du roi entende les témoins mentionnés en son réquisitoire du 11 mai et faire les autres poursuites pour l'intérêt public.

Mentionnons qu'en cours de procès, le juge de la Prévôté de Québec fait adjuger un montant d'argent à la femme de Joseph BONNEAU, qui est la nourrice de l'enfant ! 


Voilà bien abrégé le récit de la cause CHAVIGNY-GOSSELIN qui, entre le 2 avril et le 13 mai 1675, se résume en 24 pièces judiciaires (requêtes, significations, sentences, ordonnances, répliques, enquêtes, informations, exploits, jugements, déclarations, etc.) s'échelonnant du folio 28v au 50v du 8e volume de  la Prévôté de Québec. Notons que CHAVIGNY épousera en juin 1675, Charlotte DE L'HÔPITAL.


Rédaction : Guy Perron, paléographe

Source : Prévôté de Québec, transcription des volumes 7 et 8 (registres civils), 9 janvier 1674 au 20 décembre 1675, Longueuil, Les Éditions historiques et généalogiques Pepin, tome IV, coll. Notre patrimoine national no. 312, 2003.