ACCUSÉ POUR AVOIR PROFÉRÉ DES BLASPHÈMES ET JUREMENTS EXÉCRABLES !

À la suite des réquisitoires produits par le procureur du roi les 6 et 8 octobre 1679, et les assignations données à dix témoins, le juge de la Prévôté de Québec émet un mandat d'arrestation, le 9 octobre, à l'encontre de Charles CATIGNON, garde magasin du roi à Québec. Ce dernier est accusé d'avoir, dans la nuit du 4 au 5 octobre, proféré plusieurs blasphèmes et jurements contre le saint nom et l'honneur de Dieu dans le logis de Pierre NOLAN, cabaretier de Québec, alors qu'il jouait aux dés avec le sieur DE REPENTIGNY fils, entre autres. Ces blasphèmes et jurements sont abominations et si exécrables qu'ils ne peuvent pas être nommés [au tribunal] ! Par la même occasion, Pierre NOLAN est assigné pour être interrogé, car c'est chez lui que les blasphèmes ont été proférés.

Le 10 octobre, dans le logis de NOLAN, les huissiers font la perquisition d'un coffre appartenant à CATIGNON dans lequel se trouvent quelques hardes qui seront inventoriées.

À la requête du procureur du roi, on enquête pour saisir les biens que peut posséder CATIGNON en Nouvelle-France. Ainsi, sont interrogés :

- Augustin CHAILLON DE MERCOUR, capitaine du navire LA COULEUVRE qui expose un connaissement, signé à La Rochelle le 5 juillet 1679, par lequel il paraît avoir été chargé un ballot de serge pour le compte de CATIGNON. Selon le capitaine, ce ballot aurait été déchargé avant la saisie faite contre CATIGNON;

- Pierre LEAUMONT BEAUREGARD, soldat de la garnison de Québec, déclare avoir acheté cette année de CATIGNON, quatre demi-barriques d'eau de vie qu'il a payé en castor il y a sept ou huit jours;

- Charles AUBERT, sieur DE LA CHENAYE, intéressé en la ferme du roi, déclare avoir prêté vingt louis d'or à CATIGNON.

Le 23 octobre suivant, le juge ordonne l'emprisonnement de Charles CATIGNON, à sa requête, et à la condition qu'il soit entendu « de la preuve de ses faits justificatifs » pour l'accusation faite contre lui.

Après avoir tout considéré (procès-verbaux, interrogatoires, communications, réquisitoires, recollements, dépositions, confrontations, ordonnances, rapports et conclusions du procureur du roi), le juge René-Louis CHARTIER DE LOTBINIERE condamne Charles CATIGNON à payer aux aumônes des religieux Récollets, des religieuses de l'Hôtel-Dieu et des pauvres de l'Hôtel-Dieu, à chacun la somme de 50 livres et à 50 livres d'amende envers le roi. De plus, il lui est défendu de jouer aux dés d'or sous peine d'amende et de récidiver aux dits blasphèmes et jurements. Le cabaretier NOLAN est condamné à cent sols d'amende pour n'avoir pu empêcher la continuation des jurements.

Rédaction : Guy Perron, paléographe


Source : Prévôté de Québec, transcription des volumes 11 (Grand criminel), 12 (registre civil) et 13 (Petit criminel), 17 décembre 1677 au 19 août 1686, Longueuil, Les Éditions historiques et généalogiques Pepin, tome VI, coll. Notre patrimoine national, 2004, (à paraître).