Daniel Perron dit Suire (1638-1678)
Une existence dans l'ombre du père



Son abjuration

Au printemps 1662, François Peron choisit son fils Daniel pour le représenter expressément en Nouvelle-France. Les circonstances font qu'il y est toujours à l'automne de 1663, période pendant laquelle arrive un contingent de filles à marier. Daniel Suire fait la connaissance de l'une d'elle, Louise Gargotin, qui est de la même région que lui, plus précisément du village protestant de Thairé d'Aunis. Ils projettent de vivre définitivement en Nouvelle-France, mais les huguenots n'ont aucun avenir dans une colonie que l'État veut catholique : ils doivent ou s'intégrer dans la société ou retourner en France.

Toutefois, l'avenir de Daniel est au Canada et, s'il veut se marier avec Louise, il doit abjurer le protestantisme. Ce qu'il fait le 6 décembre 1663 dans l'église Notre-Dame de Québec. Voici l'extrait de cette abjuration :

Archives de l'Archidiocèse de Québec, 66 CD, Registre des abjurations d'hérésie, vol. A, p.7, no. 2 (6 décembre 1663)


L'An xvic Soixante et trois, le sixiesme de Decembre _
Daniel Suire de la ville de la Rochelle, à fait abjuration _
de L'heresie de Calvin entre les mains de MeSsire Louys _
Ango p(rê)tre depute de Monseigneur L'Evesque de Petrée _
et ce en L'Eglise ParoiSsiale de N(ot)re dame de Quebecq en _
presence de Michel fillion, habitant de ce pays, Jacques _
mousnier marchand, Pierre Meurault, et Nicolas maniere _
auSSy habitants qui ont signé à L'original gardé ès archives de L'Evesché. _


Ce geste n'est pas sans causer tout un émoi chez François Peron lorsqu'il l'apprend à l'arrivée des premiers navires dans le port de La Rochelle. Il semble que Daniel avait mûri sa décision, puisque la nouvelle atteint Peron à l'automne, quelques semaines avant l'abjuration.

La révocation

Déçu de l'attitude de Daniel, François Peron donne procuration, le 1er avril 1664, à Antoine Grignon car il avait envoyé son fils à Québec y négocier ses biens et affaires, mais « au lieu de s'y assujettir par ledit Suire bien et fidèlement comme son devoir et sa conscience lui obligeait, il a oublié tous les bienfaits que lui avait fait ledit Peron par ses débauches selon qu'il lui a été dit par plusieurs personnes qui sont de retour en ce pays dudit Québec par les derniers navires qui en sont venus. »

C'est pourquoi Peron décide de le remplacer par Grignon qui doit retirer des mains de Suire tout ce qu'il peut avoir appartenant à son père, tant marchandises qu'autres biens.

Il faut comprendre le geste de Peron. De la Religion Prétendue Réformée, et fier d'y appartenir, sa morale l'autorise à agir ainsi. En tant que calviniste, Suire doit porter honneur à ses parents mais, il ne l'a pas fait. L'abjuration a déshonoré son père, car ce geste du fils contrevenait à l'un des Dix Commandements. Et François Peron n'apprécie pas d'être contrarié!